Cosnay Marie
D’une origine aux espèces - Marie Cosnay
 

 

C
en début d’été la voiture BMW que Greg appelle mon bébé et qu’il gare dans la rue (je loue à Carole, son amie, un petit appartement indépendant au-dessus de chez moi, terrasse sur jardin) a été attaquée par une force inconnue, un camion, traces de peintures blanches, un OVNI, le cul de la voiture au travers de la route, une batte de base-ball, si on écoute les voisins c’est à 1 h du matin, une violence sans pareille, jusqu’à la direction foutue, Greg 25 ans ne contient pas sa rage Écoute petite, on suit, là ? (me retenant quand je veux échapper à ses râles, petite frappe impuissante, index tendu, coude à la hanche) Tous des fumiers des salopards l’assurance les racailles de la ZUP voleurs saboteurs cette voiture c’est tout pour moi. Et depuis le début de l’été Greg tourne en rond. Émotion quand Greg a dit alors que je refusais de lui prêter ma voiture Bonne nuitée. Et : Parfois je peux parler en soutenu

 

F
notre ouest a été immobile, caniculaire comme il l’était dans l’enfance aux pins et sable (sans eau, à couvert, sans vent), Myriam et Laurent avancent c’est la route des plages, Je vais te casser le bras, trois hommes en civil tiennent sur le bitume la joue du type qu’ils arrêtent, Myriam et Laurent reviennent sur leurs pas quand pour la deuxième fois entendent Je vais te casser le bras. Une fois pas deux on peut faire croire à soi-même qu’on n’a pas trop entendu dit Myriam et genre citoyenne offusquée Monsieur vous êtes trop violent / Ce type a volé un portable vous aimeriez que / Monsieur vous êtes trop violent. Et réaliser le bitume brûlant, la joue brûlée Posez ceci entre joue et bitume, ainsi jusqu’à ce que ceux avec les menottes arrivent

 

B
Jean-Claude nous a appris à tailler les arbres / nous en a appris les noms ; le troène est dit lucidus c’est qu’il envoie ou garde la lumière. Ou qu’il est, comme ici, feuilleté de lumières, de frissons échevelés de quelque chose qui ressemble à la lumière. L’olivier du Mexique, un beau bosquet dans le fond du jardin, dégagé enfin de ronces mais on n’a pas fini parce que Jean-Claude, c’est ainsi, ne finit pas. Demain  je m’en vais au Portugal, il ne me faut pas grand-chose, un petit barrage, un âne, je prendrai des graines de bourrache, et aussi la plante bleue dont on mange la racine. Le 2 juin Jean-Claude enlevait son tee-shirt, un très bon tee-shirt, pour le donner à Aurélien 22 ans qui le lui réclamait, David et Aurélien partaient tout autour de l’Europe David ajoutait à son sac des bâtons de jonglage on mangeait le crumble de Brigitte on riait de tout, Isa arrêtait de fumer et fumait pourtant la résiduelle, quand il y a trop de résiduelles elles changent de nom, disait-elle c’est pas plus compliqué que ça, aujourd’hui après Bruxelles Hambourg Copenhague Le cap nord Stockholm les petits sont à Cracovie mais on est sans nouvelles fraîches

 

A
Pas payant s’il vous plaît, après un été de calculs (sauf pour les livres dont les colonnes dégringolent), après un été à ne pas dépenser à cause du mi-temps qui vient (temps pour nager lire regarder l’ouest comme il vient, mes Oliviers du Mexique), après un été juste / justement conçu recevoir le billet de train pour telle intervention dans tel festival littéraire où Lorenzo 13 ans m’accompagne, découvrir le billet SNCF de Lorenzo 13 ans billet 13 ans SNCF à ma charge billet SNCF 250 euros prix SNCF Bayonne-Saint-Etienne 250 pas payant pas payer

 

N
La plage ou comment engueuler nos enfants plots posés là sur serviettes rangs d’oignon Ne bouge pas Ne fais pas voler le sable Reste à l’ombre (de la tente Queshua) Vilaine  Je vais appeler le maître-nageur et il t’emportera Quand on envoie du sable sur sa sœur c’est qu’on est moche / moche comme tout tout ça entendu vrai de vrai, une dame d’à côté dit Les parent ne supportent pas leurs enfants c’est à la plage qu’on le comprend, dorénavant prendre serviettes bouquins claquettes trouver une crique schisteuse minuscule c’est après Erromardia

 

M
Je ne sais pas si c’était un camion Veolia, à Biriatou au début du mois de juillet un gamin est passé entre les roues, tombé au péage, il se tenait entre réservoir et châssis à la force des bras. Les chants de départ qu’on lui composa / chanta, la mère tenta de le convaincre de rester (ça faisait 3 fois 5 ans, comme dit Ovide au livre II des Métamorphoses pour donner l’âge auquel un jeune homme fuit, chasse et cherche, qu’elle le choyait et cherchait pour lui) puis elle ne tenta plus de le convaincre, quel fils debout elle avait là, qui traverse l’Iran les cimetières de migrants la Turquie et dans un bateau en  plastique le cimetière à migrants qu’est la Méditerranée qui à Patras trouve un camion s’y accroche comme on lui a appris à le faire, il a 3 fois 5 années environ, il tombe à Biriatou. Jeannette raconte En 2008 un gamin est tombé là ici même, les examens médicaux lui ont donné 14 ans il venait de Tanger, en France il était, il disait, venu chercher sa mère

 

 

Marie Cosnay - Bayonne - 4 Octobre 2012
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