[un écho ici]


 

Un corps. Puis.

Danger. C'est écrit sur l'écran.

Tu regardes. Ce n'est pas de la peur. De la méfiance, non. 

Fixer. Une forme d'attente indéfinie. D'une page effacer la précédente : d'un geste disparaître au présent.

Il y a des photos d'illustration. Partout. En cliquant, on peut voir l'agrandissement d'une tâche de sang. Un sourire. Un visage comme une statue. D'autres effacés. Les images s'annulent. Tu cherches encore.

On peut voir le ciel, les fumées grises qui l'obscurcissent. L'avenue le soir et les silhouettes qui passent paisiblement. On peut voir un appartement vide au plafond crevé, des yeux absents, un couple qui se dispute au ralenti. Tu cliques là. Puis là.

Le geste correspond au geste tu te répètes Tout est contenu dedans. Un corps qui passe sans être là. Une route au milieu du désert. Une femme qui monte les escaliers au ralenti. Maintenant les images sont des choses rapides, palpables. Tu commences à entendre à travers.

À travers toi Rien ne retient le temps. Le monde glisse à la surface. Un paysage abandonné pour longtemps. Maintenant, tu  voudrais écrire directement sur l'écran : ICI, MAINTENANT. Trop de corps se bousculent. Se ressemblent. Ou disparaissent. Seul l'ordre des mots est précis. Le mouvement des mains. Seul l'ordre des choses est doux.

Le monde a des couleurs curieuses, Eurydice.

L'ordre des mots. L'ordre des choses. Leur décompte et leur destruction. Toujours, la même équation livre les mêmes résultats : un ensemble sujet-verbe-complément dont ne restent que des bribes de chair – amas organiques, poils collés à du sang, cheveux et salive. Peau. Visage évanoui. Aucun indice pour les ombres. Pas de preuves pour leur parler. Ton pseudonyme continue à clignoter sur l'écran, à côté d'une image que tu ne reconnais pas. Rien seulement des visages calmes fixés sur ton visage calme, des gestes saccadés par les heures d'immobilité, la main fébrile qui parfois fait coucou.

Coucou 

Les murs n'ont plus de contours palpables. Le monde a des couleurs curieuses Il n'y a aucun bruit. Tu es là. Depuis longtemps. Tu t'appelles toi. Un phénomène comme un autre, le passage d'une seconde, d'une ligne de code. Bonjour toi. Un haussement d'épaules. Bonjour. Les traits te rappellent quelqu'un. Le chant se dissout en algèbre. Ctrl-Hello. Langage de fortune. Alt-Adieu. Quelqu'un. Coucou. Appuyer encore contre vide bruyant, dedans. Tu es là. Ce chant. Tu te retournes. Vide bruyant. Tu glisses hors du cadre. Eurydice.

Gilles Amalvi - Rennes - 23 Novembre 2010
Ce qu'on veut créer - Régis Guigand
 

Chaque jour tout est à recommencer.

Je sens le crépuscule ignoble.

La merde qui commence à déborder.
Quelque chose qui dégouline.

Il faudra bien que la révolution se fasse.
Persifle mon voisin à l’heure de l’apéritif.

Des centaines de têtes pliant sous les chenilles des chars.
Passe-moi les cacahuètes.

Et chaque nouveau jour apparaît lavé.
Dès le lever du soleil.
De toutes ces sornettes giclées en labiales, gutturales.
Avec un sens aiguë de la phonétique..

Le soleil pointe son œil.
Et ça recommence à cuire sur nos crânes.

Combien de phrases pensées en vain.
Contre les murs du bistro, chez la boulangère et dans chaque pièce où elles se claquemurent.
Avec ça on cherche une île…

Pas d’autre horizon que le bonheur.

Il n’y a pas de raison.

Cocher des petites cases sur les grilles apprêtées de la loterie nationale.

Ça mange pas de pain.
Et Europe ne crie pas famine.

Du luxe, sous ce soleil méprisable qui nous fait recommencer chaque jour la même journée.
Avec les mêmes phrases à la fin.

Tout ça est salissant.
Mais nous sommes bien équipés question lave-linge.

Chaque jour je m’en vais chier.
Ma révolution ?
J’ai déjà ravalé mon Christ.

Et continuer d’écrire tranquillou.

Il n’y aura plus de mur que j’aurai encore envie d’en abattre.
Pensai-je.
Comme si j’étais le monde.

Je me défais.

Tous ces liquides dont le corps regorge..
Sur lesquels il y a des mots, toujours.

Il marche en silence sous les arbres.
Juste à côté du fleuve dont il n’a que faire.

Et cette révolution couvée dans la seconde.
Qui le chagrine à voir ce fleuve que rien ne déplace.
De son lit.

Il le longe encore en allant voter.

C’est peine perdue de mourir.

L’attaque des sentiments usés par le ciel.
Qui s’est dégagé des nuages lui.

Pouffer de rire.
Un tremblement de nuage.

La crainte dans l’œil du pigeon.
22 personnes ont traversé la route en 7 minutes.
Entre 17h.13 et 17h.20.
Le 20 octobre 2010.
14 personnes dont 6 enfants ont pris le passage pour piéton.
8 personnes dont un enfant n’ont pas pris cette peine.

La révolution est en marche.

Régis Guigand - Rennes - 20 Novembre 2010
Disparition des neiges éternelles - Régis Guigand
 [un écho ici, et ici]

Empoisonnés

de cristal
et de mille
matières précieuses.


Étouffés

de joyaux.
Mots dans la gorge.
Rubis glacé.


Exagérés

toujours plus
toujours rien
quantité d'absolus

amoncellement de fortune
et monstruosité
l'oubli, par dessus les têtes.

Le passé pour longtemps
dans la langue du moment.

Les yeux soudain ouverts.
Et tout s'effondre
les autels
les tribunes
les tréteaux

les richesses en cadavres
la solitude des vies malheureuses
oui, avec tout ça sur les bras
juchés sur un tas de cailloux.

 

Nous sommes
terriblement
nous sommes.

Nous sommes pour l'éternité
et pas de mort.
Mourir n'existe pas.


L'œil calme
et persuadé
mourir nous laisse en vie
ce métal brillant.

Demain
comme si c'était
aujourd'hui.

Toujours

un agacement
une fièvre insatiable

impossible de quitter le point qui est chaque seconde.


Emmurés
par pur plaisir
de ne pas s'y retrouver


descendre au fond du puits du monde

prendre le feu
qui détruit
qui éclaire

au centre de la terre
de l'or !
de l'or !
encore de l'or !
qu'en faire ?
La boue, le mercure
laisser tout ça derrière.

Tout ce qui n'a pas de corps
tout ce qui n'est pas matière
la raison.

Une désolation supplémentaire
accumuler un trésor de guerre.

Nous sommes
morceau par morceau
élément par élément
dans chaque partie
nous sommes.


Nous sommes
une forme distincte.

Cruellement distincte.

Nous sommes,
les pacifistes
les assassins
les misérables
les activistes
les responsables
les rois
les dieux

les empoisonnés
les étouffés
les exagérés

avec cinq doigts à chaque main
et quantité de liquides charriés
trésor fondu
dans les veines.

Nous sommes indélébiles
marquant au front tout ce qui va naître.

Stèles
pierres tombales
et gâchis.


Nous sommes
avec des larmes,
ça nous savons faire

et nous ne voulons pas
ne voulons pas
n'avons jamais voulu.

À croire
qu'il nous faut vouloir
et être.

Les mains noires
toujours propres
les yeux lessivés
comme si de rien n'était.

Prêts à bondir pourtant.
Nous sommes
prêts à mordre.

Goutte
à goutte.

De cristaux
en eaux.

Nous glissons dans le ventre de la terre
dans le cœur de l'océan.

L'œil du soleil
fixe.

De nuage
en nuage
un éclat
de rire.

Nous sommes
rien
et encore capable de le dire.

Régis Guigand - Rennes - 2 Décembre 2010
Résolution - Gilles Amalvi
 

1.
C'est ton tour un instant
de devenir une ombre

Ce sont des choses qui arrivent :
l'amenuisement
le froid
le contour amoindri des choses

Tout corps sur orbite
un jour s'obscurcit

inévitablement

 

2.
Mais virer fantôme nécessite
quelques ajustements

N'apparaît pas
qui veut

Entendre des voix ne s'improvise pas

Sentir son corps soudain flou s'envelopper de brouillard
Entendre en stéréo cent voix anciennes
Redire l'écho des morts pour d'autres morts en sursis
n'est pas à la portée du premier venu

loin de là

 

3.
Quelques conseils en vue d'un effondrement réussi

Se préparer au vide intense
aux mains qui traversent l'écran de peau
à la confusion des langues

Désactiver les fonctions sensorielles
dès l'aube

Garder le crâne immobile :
os zygomatiques au repos
zones orbitaires bien visibles
canal lacrymo-nasal à sec

Répéter la position d'attaque
toutes les nuits s'il le faut
(gorge serrée, gémissement prêt)

Refuser l'entrée aux voix chaleureuses
aux sanglots
aux prières
aux injonctions

Saper la parole partout
où elle prolifère
produit du refrain
cherche le contact

S'envelopper le squelette
de bruit moderne

Changer de fréquence
autant de fois que nécessaire

Habiter le monologue
comme un suaire

Renoncer au mégaphone
pour toujours

Sécher ses larmes

 

4.
Avis aux esprits frappeurs

Porter son corps vers l'avant
mains tendues
l'air impassible
facile

S'éclipser quand l'harmonie
ou le raisonnement
se font trop pressants
facile

Réapparaître d'un cri
lorsque l'esprit se vide
et s'affole
facile

Mais imagine-toi sans peau
Imagine-toi courir sans peau
sans épaisseur sans joie

Esprit réduit carcasse
caisse de résonance percée

La voix tombant comme peau morte
devenant rumeur
objet d'épouvante

et bien sûr
personne pour te téléphoner
ou te prendre en photo

songes-y

 

5.
Sur la nature des ombres et leur désœuvrement

Dans le cadre
il y a raisonnement

Grand raisonnement sans contours
qu'il faut apprendre à maîtriser

Hors-cadre : rien
une brume noire qui simplement disperse
(mémoire, visages, calendrier)

La question : es-tu dans le cadre ?
Es-tu prêt à tâter l'air autour ?
Sais-tu danser ?

PS : Quelle est
la résolution photographique
de ce problème ?

 

6.
Dernières précautions

Tout corps qui argumente s'assombrit
puis s'amenuise puis s'effiloche
rendant le retour à l'état normal
plus difficile

Le contour amoindri des choses
peut rendre nostalgique

Un détail idiot parfois
résume toute l'histoire

Les choses
(comme ton corps, ta position dans l'univers, les mots que tu répètes trop souvent, le vent dans ta bouche)
sont alors impossible
à raconter

Gilles Amalvi - Rennes - 7 Novembre 2010
 

pour Esther

 

1.
elle là
elle dedans
elle bientôt

bientôt elle
là bientôt
elle dehors pour bientôt

n'est pas encore, elle
n'est pas encore mais va venir
va venir elle
n'est pas encore

elle est
n'est pas encore

va venir, sera elle
n'est pas encore mais va, mais va
mais n'est pas encore, mais va

va, va venir, il attend

va, va venir, elle attend

ils attendent que elle
elle là
dedans
vienne

soit là

2.
elle va
est en chemin
elle va vers là
où l'attend

quoi – la vie
quoi – un mouvement
quoi – ce mouvement de là
vers là

ce mouvement

qui raconte
comment sera
le projette
comment sera
la raconte et dit

dedans vers dehors
dedans des choses
dedans des choses

avant dedans vers
dehors encore

à peine mais beaucoup
ce mouvement parle
ce mouvement dit
dehors

énorme dehors des choses

le dit
la dit
dit des choses

et pour toi dedans c'est comment ?

3.
dedans c'est lent

pour toi dans cet énorme dehors
dedans c'est dedans c'est
dedans c'est dense et lent

un avec
aller avec
intermittent

soi avec soi
soi contre soi
soi avec celle qui va

dedans c'est
qui c'est
c'est

c'est
c'est quoi
la voix

c'est quoi ma voix
c'est quoi

c'est quoi ce lien
ma voix ce lien là
de moi vers toi

un fil ?

c'est quoi

4.
ils attendent, dehors
s'imaginent
pensent que peut-être
ou que pas
quand elle sera là

des images
à peine
qui passent
transitent
cherchent ce qui sera

comment sera

il dedans songe
cherche
demande
quoi

de lui dedans-dedans
vers elle

quels traits

ils ont déjà dedans
des refrains de là
refrains de là où elle

où elle bouge
où elle répond
où elle dit là
c'est moi :

étendre un bras
étendre une jambe

replier l'avant vers l'après

5.
est déjà elle
avec dedans
des fragments :

du dehors
par fragments

de l'avant
par fragments

est déjà dedans
ce soi
qui ne sait pas

déjà
cette liaison :
elle-dedans-elle
avec
elle-dedans-nous

Gilles Amalvi - Rennes - 8 Novembre 2010
Chronique de John Abdomen [4] - Gilles Amalvi
 [un écho ici, et ici, et ici, et ici]

Gilles Amalvi - Rennes - 19 Mars 2009
 [un écho ici, et ici, et ici]

 

Gwenaëlle Rébillard - Rennes - 27 février 2010
Ballade de la première imprimante supersonique - Gilles Amalvi
 

Gilles Amalvi - Rennes - 15 Janvier 2010
Ballade de l'agence [et des saisons] - Gilles Amalvi
 [un écho ici]


Destination para
dis

Les oiseaux parlent entre eux
comme des algorithmes

mets-toi
à l'aise

plage
ou neige ou

allonge-toi

écran ultra-plat :
nouveau visage

plus moderne

 

n'importe où le corps mais pas

tu es bien

le soleil la chair
permalink éternels, oui :
textes

clique ici







Gilles Amalvi - Rennes - 15 Janvier 2010

Pages

Subscribe to Syndication