Dorénavant - Olivier Bardoul
 

A — Salut.
B — Salut … Que fais-tu là ? Tu attends que le ciel te tombe sur la tête ?
A — Non, j’attends que l’argent tombe du ciel.
B — Et s’il te tombe sur la figure. Ah ! là, tu risquerais de perdre la tête !
A — Ah oui ! Alors j’irais plutôt le chercher sous le sabot d’un cheval.
B — Oui mais …
A — Quoi ?
B — Bien, si le cheval se cabre et qu’il t’envoie son sabot à travers la façade.
A — Oh là, ça va faire mal !
B — Bien oui.
A — Alors, il y a une autre solution.
B — Ah oui, laquelle ?
A — J’irais voir au milieu de la ville, le soir, s’il n’y a pas de l’argent jeté par les fenêtres.
B — En effet, c’est une solution, mais admettons …
A — Quoi donc ?
B — Supposons qu’à la ville, on préfère te jeter des dettes ; ou si à la place, tu reçois de l’argent sale.
A — Ah … c’est le risque.
B — Un risque … un gros risque !
A — C’est du lourd, oui.
B — Eh oui …
B — Alors, je dresserais un chien afin qu’il m’évite les mauvais coups et s'il a du flair, qu’il renifle les bons !
A — "L’argent n’a pas d’odeur" dit-on …
B — Et si je trouve le bon filon !
A — D’argent ?
B — Oui !
A — Il te faudra le rendre.
B — Le rendre … et pourquoi ?
A — L’argent ne fait pas le bonheur !
B — C’est vrai … Alors, j’en emprunterais.
A — Essaye donc !
B — Ça se discute ? Tu crois.
A — Ça !
B — Et si je joue et que je gagne beaucoup !
A — Tu gagneras le droit de rejouer, au mieux.
B — Quelle affaire ! Alors, comment faire ?
A — Faire quoi ? De l’argent ?
B — Oui, de l’argent !
A — En travaillant.
B — Ah, ah, ah. Sans rire. Tu ne connais pas un moyen plus commode et plus réaliste.
A — Si.
B — Alors ?
A — Avoir de l’argent, c’est le meilleur moyen d’en faire.
B — Quel intérêt, si l’on en a déjà?
A — C’est là tout l’intérêt … justement.
B — Je vois, malheureusement …
A — Tu as une autre idée toi ?
B — Une idée ça vaut de l’argent ?
A — Ça dépend, bien souvent ça ne vaut pas grand chose.
B — Pourtant des idées j’en ai contrairement à …
A — Oui bien, allons les partager ces idées. Tu n’as pas soif ?
B — Si, c’est toi qui invite ?
A — Je ne partage pas. Chacun paye sa part, non ?
B — Autant boire seul chez moi, ça me coûtera moins cher.
A — Si tu le prends comme ça ...
B — Non, ce n’est pas ça, mais je suis occupé … préoccupé là, tu ne vois pas ?
A — L’argent … toujours … une obsession !
B — Non … dorénavant, je cherche mon maître.
A — Voyons, ni Dieu ni Maître, ici-bas … et pourquoi ?
B — Pour être initié à une vie sans entrave, libre, sans engagement ni argent.
A — Et qui ? dis-moi, t’apprendrait cela? Ton maître, s’il existait, tout juste s’il réussirait à te faire oublier que tu n’es pas riche de biens matériels et …
B — Et comment ?
A — En te faisant gagner suffisamment d’argent pour que tu le payes ou je ne sais …
B — Ah tiens ?
A — Bon, je te quitte là.
B — Pourquoi ? On s’entend bien.
A — C’est vrai, c’est  vrai … mais le temps passe.
B — Le temps ?
A — Oui, le temps ! Et comme chacun sait, le temps … c’est de l’argent !
B — Oh !!!

 

Olivier Bardoul - Nantes - 2 février 2009
Monsieur, maintenant, Monsieur - Olivier Bardoul
 [un écho ici, et ici]

A — Monsieur, prenez place ici, je vous prie.
A — Faites comme chez vous, Monsieur.
A — Asseyez-vous, un instant, je suis à vous, Monsieur.
A — Oui, Monsieur, bien entendu, nous allons donner suite. Attendez là s’il vous plaît.
A — Votre tour viendra, Monsieur, n’ayez crainte.
A — Vous êtes le profil même de celui que nous recherchons. Ne vous l’a-t-on pas encore dit, Monsieur ?
A — Un instant, on va vous recevoir.
A — Patientez encore … encore quelques minutes. Vous savez ce que c’est.
A — Tout va bien se passer, entendons-nous bien, c’est votre tour bientôt, je vous le promets.
A — Vous ne serez pas mal loti ici, vous savez.
A — Tout de suite, je vous tiens informé.
A — Ici, maintenant, c’est le moment, vous êtes prêt, vous ? Accordez-nous une ou deux minutes et …
A — Oui ! Un moment je vous prie.
A — Vous pouvez vous rasseoir, vous serez averti, on va vous prendre en charge, n’ayez crainte.
B — Monsieur, oui vous Monsieur, vous attendez depuis un moment déjà. C‘est vous n’est-ce pas ?
B — S’il vous plaît, ne restez pas dans le hall, passez à coté, je vous prie. On va vous recevoir, incessamment sous peu.
B — Que puis-je faire pour vous ? Vous attendez et ? Un instant s’il vous plaît. Oui, j’écoute ?
Bien Madame, voilà qui est intéressant, nous allons pouvoir en discuter. Merci bien, ne quittez pas.
B — Monsieur, Monsieur ! Je suis à vous le temps de traiter cette affaire au téléphone.
Surtout ne vous impatientez pas, Monsieur.
B — Voilà, je vous l’assure, nous allons vous recevoir dès que possible.
B — Asseyez-vous, Monsieur. Allô …
C — Monsieur, Monsieur, permettez moi, Monsieur …
C — Ça fait un moment n’est-ce pas ? Dites-moi ?
C — Permettez… un conseil, détendez-vous, ça vous aidera à temporiser.
C — Vous attendez depuis longtemps ?
C — Décontractez-vous, Monsieur. Je disais ça …
C — Maintenant …
C — Si vous voulez, Monsieur, parlons-en.
C — Oui, je vois … vous souhaitez une réponse, cet entretien a de l’importance à vos yeux, je n’en doute pas.
Un conseil : Soyez patient !
C — Et depuis quand déjà ?
C — Depuis si longtemps, vraiment ? Je comprends.
C — Comme vous voulez mais il faut être patient. Vous savez oh combien aujourd’hui les places se raréfient.
C — Avez-vous essayez de vous adresser à côté ? La concurrence, oui ! Ils pourront au moins vous renseigner.
C — … vous donner l’opportunité, qui sait ? Ils trouveront bien un moment.
B — Monsieur, permettez, Monsieur !
B — On va vous recevoir, c’est entendu.
B — Maintenant, là, c’est difficile de vous dire dans combien de temps exactement.
B — Comme vous voulez, Monsieur, bien, Monsieur. C’est bien normal, Monsieur. En effet … naturellement, Monsieur.
A — Monsieur, vous partez, Monsieur ? Vous êtes attendu pourtant.
B — Oui mais … Monsieur patiente depuis …
A — Plus pour longtemps, Monsieur, détendez-vous.
A — Vous avez un profil épatant, ça ne devrait plus tarder, bientôt, vous savez.
B — C’est aussi mon avis.
B — Et si vous attendiez dans le hall un instant. Non ? Vous n’avez pas le temps, vraiment ?
A — Comme vous voulez. Mais je serais à votre place … maintenant, à vous de voir.
B — Même plus un moment à nous accorder là ? Comme c’est dommage.
A — Plus pour longtemps longtemps maintenant … pourtant.
B — Bien, dans ce cas repassez nous voir, Monsieur, nous étudierons votre proposition avec grand intérêt, vous savez.
B — Quand nous serons plus à même de vous recevoir. Excusez-nous encore, et soyez patient, à bientôt, Monsieur.

Olivier Bardoul - Nantes - 29 Mai 2009
T BARRÉE - Olivier Bardoul
 

Tu passes pour une C

Tu dis- Arrête, c'est bon, dégage toi !

Pu, ça donne quoi ?

 

Tu dis qu'il s'est barré.

T'en as rien a battre de ce Gu

- C'est clair.

 

Ce C te prend la tête, t'hallucines.

- Il peut aller se faire F !

 

Tu dis- Il n'a pas l'étoffe.

 

Tu veux lui enfoncer dans le La

- Ha ! Ce Co, trop zarb, attends.

 

Tantôt speed, tantôt Na, ça te casse les C

- C'est la dernière fois.

 

T'es sous le choc.

Il va trop loin, il te parle mal en plus.

Et tu l'as dans le C, collimateur.

 

Tu ne lui dois rien.

Je dis- Toute cette Me par terre. Pu

À quoi bon recoller les morceaux.

Arrache-toi. Y'a rien à faire.

C'est la Ge

 

Où qu'il passe son temps maintenant ce C

Tu dis- Pu, ta Gu, m'insulte pas.

Fous-moi la paix, ou j'te Déf la Tr !

 

Elle se lève et frappe.

- Sal

 

 

Olivier Bardoul - Nantes - 1 Octobre 2009
Paysage disponible - Olivier Bardoul
 

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Bleu le ciel vers la terre et la mer plutôt claire.

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Pas d’une vilaine vallée, de couleuvre à avaler.

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
La pluie si fraîche, la fraise si rouge,
Des chevaux sauvages galopant sur la plage.

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Pas de rempart à la cité, pas de case où nous ranger.

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Là-haut des oiseaux hauts-perchés,
Et à mes pieds de petites fourmis pas toutes si acharnées.

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Des potagers, des pédalos, des cachalots.
Vers l’horizon, sur la banquise, les ours bi-polaires.

Non, pas de solvant déversé dans les eaux, de nitrate à avaler
Ni de sacs plastique dans le ventre des baleines échouées.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Des marmottes, des hyènes à foison, des bisons.
Et vivant, au plus profond des abysses, des résidents sans nom.

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Peuplé de loup, de chèvre, de chou.
Un paysage organique sans écran plasma, ni multimédia.
Nos sens pour toute forme de connexion.

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Avec des scorpions, des mygales, des varans, et dans une sombre grotte grise
En suspens, une chauve-souris toute mauve.

Sans prédateur humain, sans messie ni prophète, sans aller plus loin,
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Rythmé par les saisons, les moissons.
Un sentier ou butinent les abeilles, des ruches, du miel.

J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Où l’on pourrait s’oublier un peu, bouquiner qui veut, s’envoler, farniente.
Qu’en pense l’aigle, la buse, leur cousin butor planant plus bas ?
Ne serait-ce pas plus chouette qu’un parc d’attraction ?
Un paysage disponible.

Olivier Bardoul - Nantes - 10 Janvier 2010
Maintenir le oui - Olivier Bardoul
 

DIALOGUER ÊTRE-ÉCRITURE, RELIER ENJEUX.
PARFOIS CONTRAIRE. JE ME SOUVIENS DES LIGNES FROIDES.
FAILLIR SUR LES TROTTOIRS. FAUX-SEMBLANT.
À FORCE DE MAINTENIR DEBOUT, ÉMOUVOIR, INTERROGER.
FRISSONNER, IMPRÉGNÉ D’UN RÊVE.
DÉVIER SANS RÉPONSE. VITE PENSER PAPIER, VITE CIGARETTE CAFÉ.
VITE IMPASSE, AMI FILE À TEMPS, SANS RÉPONSE, ÉTAYER.
AVIS SINCÈRE, GÉNÉREUX. MÉDIOCRE AU SENS NARCISSIQUE.
MAINTENANT MON OUI ENTRE VOUS ET MOI.
SENTIR MÊME SANS ÉMOI.
ATTITUDE SOCIALE ET POURTANT À CETTE ÉGALE DISTANCE.
EN SUBSTANCE. EFFACER.

Olivier Bardoul - Nantes - 2 Juillet 2010
Passant par là - Olivier Bardoul
 

Prends à gauche, tourne à droite. Et là, tu passes sous un pont.
Toujours tout droit puis un deuxième. Tu restes dans cet axe puis tu te gares sur le bas-côté, à l’orée du bois. Tu entres par le sentier, tu marches sur le chemin un long moment, tu bifurques.
Tu sautes par-dessus la barrière, traverse la route et une autre barrière à franchir. Là, tu t’engouffres dans la forêt, au fond.
Enlève tes affaires, nu, contemple un moment. Ramasses du bois, les branches mortes, et réunis-les.
Tu te construis une cabane, perchée entre deux arbres aux branchages suffisamment souples mais pas cassantes. Prends comme point d’appui, une branche en forme de fourche venant réceptionner les fondations; supportant ton poids et celui de tes cloisons ; supportant le volume de ton habitacle, le toit sur tes fondations, et résistant aux prises du vent. Tu t’installeras là, en attendant.

Je regarderai l’horizon en contre-bas d’une colline.
Vers cette ligne sensiblement courbe, j’y jetterai mes propres affaires.
Là, il ne se passera rien, rien qu’un long moment. Je ramasserai à nouveau mes vêtements et les jetterai encore, me rapprochant petit à petit de la ligne d’horizon, au plus près.
J’aimerai les voir s’y engouffrer dans cette ligne. Et encore, je m’élancerai.
Á l’instant, je contemple comme toi, nu.

Récolte les pierres une à une, place- les en rond, sous ta belle cabane.
Autour de cette circonférence, prépare-toi à m’accueillir, je t’y retrouverai.
On se rejoindra avant que le soleil ne réchauffe la terre.
D’ailleurs, n’est-ce pas déjà commencé ?

Olivier Bardoul - Nantes - 1 Octobre 2010
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