Se remplir de vide - Charles Pennequin
 

Charles Pennequin - Lille - 5 Octobre 2010
Personne ne nous saura - Mathieu Brosseau
 

Il est de mise que si l’on s’en éloigne, la voiture prenant, la portière étant de mise, les clés permettent cet au delà musical que seul j’ignore. Tout le monde le sait, je suis le seul à me défaire d’un vide à reconstruire, pour cela, la musique, celle du cœur pointant, celle de la marche pointant, il est de mise que si l’on s’ignore, personne ne nous saura, pas même l’autre pour qui le devenir de soi n’est pas de mise. Pas de mise, on saura qui joue à la roulette russe. Le saura-t-on ? Ce qu’il faut de chimère pour faire du continu. Du contigu ? Les oreilles se collent. On ressent l’aspiration du vide, là où passe l’écho. On se méfie des autres. Celui-là, celui qui pousse, celui qui passe. On dira qu’il est mort-né. On dira qu’il ne figure pas dans le grand registre des hommes à reconstruire. Dans l’annuaire des morts-mots. Dira-t-on qu’il n’y a de noblesse qu’en déclinant l’offre de la charité ? La rimbaldienne, la vraie, celle qu’on ignore. Mais ce qui est en question, ce sont les clés, celles des autres, que tu accroches à ton trousseau, celui de vivre, car il faut bien un trousseau puissant pour constituer une marche à suivre. La voiture démarre, accélère, passe des vitesses, seule, l’homme n’y est pas ou peu. Il s’absente, il n’est guère présent. Il sent qu’il n’y aura pas de place pour lui, dans cette voiture, la place du mort à côté de lui , la place du mort, l’accéléré, la truie, sa femme, celle qu’il a abandonnée, avec ses enfants, la truie, la personne, celle qui dégoûte, la truie, celle qu’on égorge, la truie, la personne, la pluie celle qui teinte, celle qui meut, sans vouloir, qui tombe, sans savoir, la pluie, la personne et la musique fait sens dans cette certaine forme de colère. L’homme n’est que pulsation, c’est là toute l’intériorité de l’âme en suspens, l’homme n’est de mise que s’il se conquiert dans le trousseau, celui du vivre. La voiture file, s’arrête, la fenêtre s’ouvre, seule, une fois encore, seule, l’homme n’est qu’esprit, celui qui ne dit rien, pas un mot, sauf celui de l’ouverture, il a les clés, celles de vivre. Que faut-il d’autre qu’un trousseau pour vivre en deçà, en deçà de la vie, pour ouvrir les portes des corridors, des affects les plus marqués, l’homme n’est rien que cette parure, le vent contre le pare-brise, le vent est questionné, la réponse est donnée, l’homme sera seul : nulle part : il sera témoin, toujours de sa parure et pensera sa parure dans l’affect de voir, il est temps de se déshabiller, de sortir, pourtant il fait froid, j’imagine, de l’un à l’autre, personne ne te prêtera sa parure, même nourricière, même pour le plaisir de la charité, la charité est un leurre, personne n’aidera l’homme, il sera seul et descendra de la voiture, après le vent qu’il aura interrogé sur le pare-brise, il sera seul et le vent lui aura répondu qu’il n’existe aucune solitude, pas même la nuit, tout est en commun, le réseau, celui des âmes, ce qui prend forme, ce qui donne forme parmi les âmes et leur secret, ce chant est un secret, cette âme en secret découvre la multiplicité de ses interlocuteurs, ce qui fait secret, ce qui se donne en secret, dans l’ombre d’un couloir, il entrevoit la future, la proche, la poche du devenir, ce qui fait secret, ce qui secrète de l’absence, c’est-à-dire du vivre en boîte, t’as bien pris tes médicaments ? et le son intervient, et la musique intervient, après avoir fermé la porte, après l’arrivée, après la réponse faite par le vent, des pas sur l’herbe, il fait froid, il fait sourd, la musique du cœur rappelle que l’autre ne sert qu'à se comparer, qu’à comparer ce qui en soi, témoigne de l’autre et inversement, la musique du cœur réinvente la possibilité d’une solitude, elle l’imagine, le bruissement du pas sur la neige, ce plâtrement, cette décomposition du seul fait, de la seule alarme, de la vacuité d’un sens, d’un fait, de ce qui est donné, après la peur, l’existence, après la peur, l’existence, ce qui est donné, et ce que l’on perd, nous n’avons pas les outils pour voir, s’il en était, je serais voyant, l’aveuglement, la perte, le voir, la dissolution, ce qu’il m’est donné de vivre ou de ne pas vivre, la glaciale attitude du verbe dans le bocal, as-tu pris tes médicaments ? Ceux qui te font devenir, en blanc, dans le noir soleil de l’évanouissement, dans la pénombre, dans ce crépuscule urbain, faut-il ? Je répète, faut-il ? Avancer. Peut-être, la question du seul pour le seul, la question de la démarche froide de l’être en demeure et de ce qui le précède, il n’y a que peu de temps, tout cela aurait pu se produire ici ou ailleurs, surtout hier, avec l’autre, celui dont on se souvient et qui peuple notre rêve nocturne, le rémanent, le seul, endormi, l’homme rêve de l’homme qu’il était, c’est là : son seul rêve véritable, le reste n’est que vernis, ou peu, ou presque rien, ou anecdote de grand-mère, la nôtre, celle qui marchait sur l’herbe ou la neige quand nous étions enfants, car la réelle question est de connaître son seul rêve, celui qu’on met en commun, celui qui nous fait exister parmi les autres et leur rêve, le leur, leur plein de ce vide creux, ce concave, cette cave de l’être où tout se formule, même les sciences, même la mémoire, ce lieu des abîmes où tout se fragmente, des pas sur la neige, ce foisonnement lexical, la pâte-mot, l’horreur, celui qui découvre de la matière dans ces mains, celui-là crie, celui-là dit la pâte, comme on dirait la langue, dans un renversement, l’instrument de musique vibrant, bruissement, excitation du même sur soi, du soir sur le même, et sur l’herbe, la marche, seule, oui, seule, la marche qui nous rendait utile, car il faut être utile pour vivre ou plutôt pour revivre, c’est le fermé de l’époque, savoir si ce qui est dit l’est réellement, c’est une ontologie de la parole, avoir confiance en les signes, avoir conscience de l’absence de mélodie dans ce brouhaha, mélancolique, tu viens, j’ajoute un signe, tu viens vers moi, il paraît que tu as découvert qu’il n’y avait pas ou peu de raison d’être sinon de vivre , à l’instant, coincé par la peur, vivre comme peur, d’être ici, là, l’instrument ne dit rien d’autre que la main, sa volonté, s’il en est, les mots de la main, sa parfaite tonalité, tout bruit a un sens, celui de l’abandon, nous signons de notre chair l’absence de nos formes, il faut un taire pour faire une bouche, l’instrument de musique dit ce que nous avions à dire, dans l’espace du fermé, dans l’époque de l’intérieur, cette intériorité qui signe notre absence, le moteur, ce qui ne nous appartient pas, là sur la route, le bruit, je m’ignore, la porte s’ouvre, il me semble que c’était en rêve, il y a peu, les clés témoignent de mon existence, la porte se ferme, et le son me fait avancer sur les notes du passage, celles qui me mènent à mon enterrement, car ce dont je me souviens c’est de l’homme dans mon rêve, mon unique rêve, celui qui me signifie, musique d’un silence de marche, l’aigu de l’être en demeure, celui dont la porte claque et qui ne peut, n’arrive pas à sortir de lui pour aller saluer les autres, ceux qui forment le monde et les rêves qui les contiennent, l’instrument signifie son passage, sifflement de l’instrument, absence de pas, les pas ne sont plus signifiés, c’est la fin du lyrisme, il n’y a plus que de soi, l’expérimentation d’un cœur, juste ce qui le détermine, juste ce qui fait marche sur la terre, en mon absence, en l’absence de toute absence.

 

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La route, la seule, personne qui absolument témoigne, ingurgite, des quantités d’alcool fort, du tracas, quoi, du plaisir pour l’autre, pour son père, mère, frère, qui a disparu, en hommage, quoi, à la famille du redressé, pour peine,

pour les infâmes, pour les dealers.

J’ai vu dans la ville un sujet qui m’intéressait.

Sa voiture musicalisait son appareil, ses dents vibraient, son chant parlait aux autres.

« Tic-tac » me prévint son médecin, je dois l’aider. Monsieur a une forte tendance
a se branler comme vache féminine.
Monsieur a cette facheuse tendance à se vendre à bas prix, pour peu qu’il existe.
Pour ceux qui l’existe.

« Tic-tac » me disait son médecin. Il apparaît qu’il finissait dans la gouttière.
Après avoir illustré ses larmes avec l’apparence de son sperme.

Monsieur a cette fâcheuse tendance à revandiquer ce qui n’existe pas comme si ce qui existait ne lui convenait pas. Il avait cette fâcheuse tendance, Monsieur. Il apparaît qu’il était psychiquement castré, comme vache docile.
Vociféra-t-il !

Sur la route, il dit : « tic-tac », comme si le temps lui était compté.

On croit rêver.

Nous croyons qu’il peut encore se déplacer, Monsieur, mais il n’en est rien, tant les médicaments lui ont donné de la graisse, comme vache engrossée.

Il ne peut que difficilement se déplacer, il observe sa maladie, de loin. Il regarde de près les sections qui lui restent à parcourir, sur la route, il ne peut pas bouger. Il ne fait que voir blanc, tout blanc, comme vache vacille.

C’est l’aveuglement qui veut ça.

J’ai vu dans la ville un sujet qui m’intéressait,

il me semble que c’était une vache.



Mathieu Brosseau - Paris - 5 Octobre 2010
Ne plus dire oui, mais chioui - Charles Pennequin
 

qu’on nous encuvoit pas tracouiller
qu’on va à encumoins de tracouillage
que la tête cuva couillmieux
qu’on cuva toujours dans le ça cuva
et que ça cuva toujours couillmieux en l’disant
on merdavance là-dedans
on y merdcroit couillmieux
on tente d’y cucroire
et d’allercu c’est moins couilltraquer
on merdtracte ça
depuis cuqu’on nous fait couilltracter tout ça
depuis qu’on est merdné
on est merdné avec un cupoids dans la tête
on est merdné avec le cupoids chiche
du couillmonde en tête
et le cupoids chiche du couillmonde
vaut son pesant de cuconneries
alors on le cupousse
on avance dans la cuconnerie
mais si on ne voulait plus couillavancer
si on voulait en rester merdlà
une bonne fois
si on se culaissait aller à merdrien couilltraqueter
si on allait cubenner tout ça
si on laissait son tas en couillcroix
ou si on laissait sa couillcroix dans le cutas
où le merdmonde nous a un jour couillbenné
pourquoi on ne le cufait pas
pourquoi on se laisse couillporter
pourquoi on cuporte ça
pourquoi on se fait couillberner
on se fait couillberner par nous
c’est nous qui le merdisons
nous le merdisons à nous
et nous nous le curépétons
on le curépète couillensemble
c’est bientôt la dernière curépète
après on va au chitrou
tout le couillmonde vous le merdira
on va au chitrou où tout le couillmonde va
on vous curacontera
quand on y sera on n’aura plus que ça
à cufaire
à se le curaconter pour soi
à se dire des couillpourquoi
on ne pourra plus cubouffer
on ne pourra plus aller
on pourra plus rien merdfaire que ça
c’est-à-dire on ne fera couillenfin plus rien
on en restera là
et on pourra enfin cusouffler
cette fois-ci on pourra enfin cumontrer sa couillvérité
enfin dire qu’on a sa cutête de merdmort
qu’on la couilltrimballe
que ça vous merdplaise ou non
voilà un cutas à plus rien couillfoutre
démercouille-vous avec cuça

Charles Pennequin - Lille - 5 Octobre 2010
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